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Anastasia, un destin taillé à la machette et au courage
Cette jeune Surinamaise a passé dix ans dans la clandestinité en Guyane avant d’obtenir enfin, en mars dernier, des papiers. Retour sur ce parcours acharné, entre rêves et cauchemars. Assise au fond d’une petite échoppe du quartier de la Charbonnière, à Saint-Laurent-du-Maroni, Anastasia, une jeune mère bushinenguée, savoure sa nouvelle vie. Régularisée en mars dernier, cette Surinamaise a passé dix ans en situation irrégulière. Anastasia est une battante. Son père avait promis de la faire venir en Guyane quand elle était enfant. Il avait obtenu un titre de séjour et était en train d’organiser la venue de ses enfants lorsqu’il est mort à 37 ans. À l’époque, Anastasia n’a que 14 ans et son destin semble tout tracé. Elle tombe une première fois enceinte mais son bébé ne survivra pas. À 19 ans, elle accouche de son fils, aujourd’hui adolescent. Mais Anastasia n’entend pas passer sa vie au foyer. Elle veut étudier. Son compagnon de l’époque, violent, ne l’entend pas de cette oreille. Elle le quitte et décide de prendre sa vie en main. Elle récupère une pirogue et traverse le Maroni avec son fils. Sans droit au travail, sans logement, elle scolarise son fils et enchaîne les petits boulots. Hébergée tour à tour chez son frère, lui aussi sans papiers, puis chez des cousines, Anastasia ne parvient pas à justifier d’une domiciliation pour valider une demande de carte de séjour. « Mon fils devait avoir un endroit à lui pour grandir normalement, explique-t-elle. Des personnes débroussaillaient des terrains pour y construire leur carbet (abri de bois typique de la culture amérindienne – NDLR). Je me suis dit que je devais faire pareil. » Alors, Anastasia part avec une amie en forêt, la machette à la main, et défriche un lopin de terre pour y bâtir sa cabane en bois et en taule. Pour gagner un peu d’argent, elle fait des ménages, propose des repas aux ouvriers dans les chantiers du centre-ville et vend au marché quelques fruits fraîchement cueillis. Elle maîtrise toutes les langues pratiquées le long du fleuve En dix ans, la jeune femme est arrêtée à trois reprises par la police aux frontières (PAF). À chaque fois, les policiers l’ont relâchée. « Je disais que mon fils était à l’école, raconte-t-elle. Qu’il n’avait personne pour s’occuper de lui. » Anastasia possède surtout un autre atout qui la distingue de la majorité des autres Bushinengués. Elle maîtrise toutes les langues pratiquées le long du fleuve, mais aussi l’anglais, le hollandais et le français. Lors de sa troisième arrestation, Anastasia propose aux policiers de les aider dans les discussions avec plusieurs de ses codétenus. « Une policière m’a demandé si ça m’intéresserait de faire quelques missions en tant qu’interprète à la PAF, raconte, amusée, Anastasia. C’était impossible sans papiers. » La policière lui donne alors un permis de séjour de trente jours afin qu’elle puisse faire une demande de régularisation en bonne et due forme. Cette ouverture tombe à pic : depuis quelque temps, Anastasia peut justifier d’une adresse. Elle vit chez son nouveau compagnon, à Mana, sur la côte ouest de la Guyane. Un Créole qui, des mois durant, a observé la jeune femme dans son combat acharné. « On a fait les papiers justifiant notre concubinage et j’ai pu obtenir un titre de séjour, sourit-elle. Depuis, j’ai fait quelques missions à la PAF et je compte reprendre mes études pour devenir interprète. » Elle doit d’abord valider son baccalauréat. Les cours du soir à l’université de Saint-Laurent sont à trois quarts d’heure de voiture. Elle compte donc passer son permis. En attendant, elle a décidé de prendre de l’avance et emploie son temps libre à étudier… le chinois. Publié le mardi 29 Novembre 2016, l'Humanité, Émilien Urbach (https://www.humanite.fr/societe/guyane/anastasia-un-destin-taille-la-machette-et-au-courage-627323) |
Anastasia: A Destiny Shaped by Machete Strokes and Courage
She was a girl from Suriname who lived under the radar in French Guiana for 10 years before finally being granted residency papers last March. This is the story of her struggles, her dreams and her nightmares. Anastasia, a young Bushinengue mother, is seated at the back of a little shop in the La Charbonnière neighborhood of Saint-Laurent-du-Maroni, savoring her new life. After 10 years as an illegal immigrant, this woman from Suriname was finally granted residency papers last March. Anastasia is a fighter. When she was a child, her father promised that he would take her to French Guiana. He had obtained a residence permit, and was preparing for his children’s' arrival, when he died at the age of 37. At the time, Anastasia was only 14 years old, and her fate seemed clear. She got pregnant for the first time, but her baby didn't live. Then, when she was 19 years old, she gave birth to a son, who is now a teenager. But Anastasia didn't want to be a housewife. She wanted to go to school. Her boyfriend at the time was prone to violence, and didn't agree with her plans. So she left him, and decided to take control of her own life. She salvaged a canoe, and crossed the Maroni River with her son. With no working papers and nowhere to live, she managed to put her son in school and began working a string of odd jobs. Sometimes living with her brother, who was also in the country illegally, and sometimes with cousins, Anastasia was unable to show the proof of address necessary to apply for residency. “To have a normal childhood, my son needed a place of his own,” she explains. “Some people were clearing land to build 'carbets' [wooden shelters, traditional in American Indian culture]. I decided that I should do the same.” So Anastasia went to the forest with a friend, machete in hand, to clear a tract of land and build a cabin out of wood and sheet metal. To earn money, she worked as a cleaning lady, prepared food for workers at downtown construction sites, and sold freshly picked fruit at the local market. She had mastered every language spoken along the river. Within the space of ten years the young woman was arrested three times by the PAF (border police). Every single time, the police let her go. “I always told them that my son was in school,” she says, “and that he had no one else to take care of him.” Anastasia also had another skill that set her apart from other Bushinengues: she had mastered every language spoken along the river, and she could also speak English, Dutch and French. When she was arrested for the third time, Anastasia offered to help the police communicate with several of the other prisoners. “One of the officers asked me if I'd like to help out as an interpreter on a few PAF missions,” says Anastasia, smiling. “But it was impossible for them to hire someone who had no working papers.” The officer issued her a 30-day residency permit so that she could legally apply for residency status. The timing was perfect: Anastasia was able to show proof of address. She had moved in with her new boyfriend in Mana, on the western coast of French Guiana. The boyfriend was a Creole who had been admiring her strength and determination for months. “We had papers drawn up proving that we were living together, and I was able to get my residency permit,” she says happily. “Since then I've worked for the PAF several times, and I'm planning to go back to school to become an interpreter.” But first, she will have to complete her high school diploma. Then, since night classes at the university in Saint-Laurent are 45 minutes away by car, she’s planning to get a driver's license. In the meantime, she's decided to get a jump-start on her new career: in her free time, she is studying Chinese. Published January 17, 2017 in L'Humanité in English (link not available) |